Mobilité intégrée et aménagements innovants au cœur de la requalification de Griffintown
Ancien pôle industriel dans l’arrondissement du Sud-Ouest, Griffintown est en cours de requalification afin de devenir un quartier montréalais habité, diversifié et dynamique. À terme, la construction de quelques 15 000 unités résidentielles, l’ajout de 400 000 m2 de commerces et de bureaux de même que la consolidation de l’école de technologie supérieure (ÉTS) feront en sorte d’adapter le domaine public pour offrir un milieu de vie de qualité.
La requalification du quartier présente de nombreuses innovations renforçant la mobilité douce comme part importante d’un système de transport intégré. La hiérarchisation urbaine met en valeur un nouveau cœur de quartier et s’articule autour des typologies de rues habitées, rues hybrides avec pistes cyclables à mi-hauteur, rues apaisées et rues « standard Griffintown ». Îlets délimités par des seuils d’entrées et de sortie, plateaux surélevés aux intersections, nouveaux liens cyclables, intégration de pôles de mobilité et de quais d’autobus spéciaux sont au nombre des aménagements spécifiques conçus pour soutenir la mobilité dans ce secteur bouillonnant de Montréal. À ces derniers aménagements se conjuguent aussi des propositions de verdissement et de gestion différenciée des eaux de pluie.
Transformation des rues
La hiérarchie des rues proposée pour Griffintown s’inspire du Programme Particulier d’Urbanisme (PPU) et prend en compte le schéma hiérarchique des rues de Montréal. Selon ce dernier, trois classes fonctionnelles de rue créent la trame du secteur : les artères, les rues collectrices et les rues locales. La longueur totale de l’ensemble des rues est de 11 km qui desservent une superficie de près de 1 km2.
Les rues artérielles, Peel et Wellington, traversent le quartier du Nord au Sud pour la première et d’Est en Ouest pour la seconde. Leur aménagement est prévu comme rue standard à la vitesse de 50 km/h avec piste cyclable protégée et trottoirs larges avec plantations d’arbres pour un sentiment de sécurité malgré le débit de véhicules passant sur la voie de circulation à proximité.
Quatre nouvelles typologies de rue sont conçues à l’intérieur du quartier. Les rues collectrices prennent la forme des rues standards ou hybrides en fonction de leur localisation. Elles délimitent les ilets et sont conçues pour une vitesse de 30 ou 40 km/h. Plus particulièrement, les rues William et Ottawa prennent la forme de rues hybrides soit des rues séparant les secteurs plus commerciaux en périphérie du quartier du secteur central du quartier, plus résidentiel. Ces rues sont bordées par une piste cyclable mi-hauteur permettant aux cyclistes de transit de garder une vitesse appréciable tout le long de leur parcours ainsi que de trottoirs larges offrant une expérience déambulatoire accrue pour les piétons.
Les rues locales desservent les riverains et sont élaborées selon deux types – rue habité ou rue apaisée, avec la vitesse réduite à 20 km/h. Les rues habitées se retrouvent presque en totalité entre les rues William et Ottawa. Ces rues sont conçues pour créer un espace de vie où se côtoient automobilistes, cyclistes et piétons et ce, sans délimitation claire autre que des bordures de granite au sol pour enligner la voie de circulation.
Les rues habitées, leurs îlots de sociabilité avec bancs associées aux fosses de plantation, offrent un domaine public rehaussé sur le plan matériel marquant le cœur symbolique du quartier. Ce cœur, prend appui sur une exception de la trame de rues, métaphoriquement dénommé archipel urbain, pour en faire un cadre public de premier ordre, renforçant son potentiel rassembleur sur le plan social et prenant la forme d’un immense espace public à l’échelle du quartier, dans lequel est compris trois parcs à venir.
Optimisation des intersections
Parmi les 72 intersections du quartier Griffintown, 13 sont gérées par des feux de circulation et 37 par des panneaux d’arrêt. Les autres ne sont contrôlées d’aucune façon en raison de leur sens de circulation. Des simulations à l’aide du logiciel Autoturn ont été réalisées pour chaque intersection afin de vérifier la giration des camions de type HSU (Heavy Single Unit). Ce véhicule de conception comprend les camions simples lourds à double essieu arrière qui représentent les autobus, les camions de pompiers et ceux utilisés pour le ramassage des déchets et de la neige. Une zone de giration libre d’obstacle est assurée à chaque intersection afin d’assurer un accès de camions-remorques – WB-20 – à chaque rue.
Une circulation piétonne sécuritaire
Parmi les priorités de la desserte des usagers des rues, la première a été assurée pour les piétons, la deuxième pour les cyclistes, la troisième pour le transport en commun et la dernière pour les déplacements en auto. La vision d’aménagement pour le secteur recadre ainsi les paradigmes d’usages et de partage du domaine public, résolument axé sur la fonction de l’habitat plutôt que sur la circulation véhiculaire. La sécurité des piétons est assurée par les traverses des rues courtes – une à deux voies maximum à traverser, par l’implantation des dalles podotactile pour personnes malvoyantes et par l’implantation des arrêts d’autobus empêchant le contournement par un autre véhicule lors de débarquement/embarquement. De plus, une grande quantité d’intersection du quartier sont surélevées ce qui oblige les véhicules y circulant à ralentir, rôle que prend les dos d’âne dans d’autres parties de la ville.
Un réseau cyclable performant
Il y a des pistes cyclables bidirectionnelles larges de 3 m, prévues sur les rues Peel, Wellington et De La Commune. Cinq rues de Griffintown comprennent une bande cyclable unidirectionnelle. Elles doivent desservir les vélos mais aussi 72 petits engins motorisés pour personnes à mobilité réduite et pour personnes valides (72 selon l’Université de Sherbrooke). Toutes les rues à sens unique peuvent être empruntées par les cyclistes dans les deux sens (double sens cyclable). Parmi les régions métropolitaines nord-américaines, le Grand Montréal se classe, avec Vancouver, au cinquième rang des régions où la proportion de navetteurs utilisant le vélo pour se rendre au travail est la plus élevée, derrière les régions de Portland, d’Ottawa, de San Francisco et de Sacramento. Plusieurs arrondissements centraux de Montréal dont l’environnement bâti est plus favorable à la pratique quotidienne du vélo, notamment en raison d’une plus forte densité et mixité des fonctions, présentent des parts modales du vélo dépassant les 3 % même en période automnale. C’est le cas de Ville-Marie (3,5 %) où le taux d’utilisation du vélo pourrait dépasser 20 % à court terme. Le nouveau réseau proposé soutient ainsi favorablement l’emploi du vélo avec une sécurité accrue.
Transport en commun
Le quartier Griffintown est actuellement desservi par huit lignes d’autobus. L’accessibilité au transport en commun est assurée à l’intérieur de l’isochrone d’accès de trois minutes (200 m). Une seule zone au sud de la rue Basin, entre la rue du Séminaire et la rue Richmond est assurée par un isochrone de 5 minutes (350 m). La Société de transport de Montréal (STM) propose d’élargir son réseau dans le futur en affectant la ligne 35 sur les rues William (entre le boulevard Robert-Bourassa et la rue Des Seigneurs), Ottawa (entre la rue Guy et le boulevard Robert-Bourassa) et Des Seigneurs (entre les rues Notre-Dame et William). Comme mentionné plus haut, des arrêts d’autobus sont implantés sur les rues artérielles et collectrices du secteur. Ces arrêts, implantés pour la plupart en amont des intersections créent une zone de sécurité pour les usagers attendant leur transport et ceux descendant du véhicule.
Stationnement pour voitures
Avec le réaménagement des rues du quartier, une importante portion des places de stationnement a été amputée pour permettre l’implantation de pistes et bandes cyclables ainsi que de trottoirs plus larges, le tout dans la conformité de la priorité de desserte des usagers établie pour le quartier.
Bornes de recharge
Des bornes de recharge électriques seront implantées dans le secteur de Griffintown dans des espaces de stationnement appartenant à la ville. Ces espaces seront déterminés selon des critères visant à en assurer la visibilité et l’utilisation sécuritaire. Les bornes de recharge sont considérées comme étant du mobilier urbain. Une sensibilité par rapport à son milieu d’intégration est essentielle – les endroits fortement achalandés par les passants sont à éviter du fait que les bornes occupent un espace sur le trottoir. D’autre part, elles doivent être localisées le plus près possible d’une source d’alimentation électrique. Selon le règlement de l’arrondissement, une case sur 20 doit être équipée pour recharge électrique. Pour l’instant, ces bornes de recharge se retrouvent le plus souvent sur les rues apaisées du quartier, là où la densité de population habitant le secteur est la plus importante.
Modération de la circulation
La majorité des carrefours comprennent des mesures de modération de la circulation. Parmi eux, 41 carrefours ont un seuil d’entrée et/ou de sortie pouvant comprendre une avancée ou un prolongement de trottoir, une approche surélevée ou un passage pour piétons texturé. Onze intersections possèdent une avancée de trottoir (rétrécissement latéral), six sont surélevées et il y a une rue piétonne (la rue Murray au nord de la rue William) où l’accès véhiculaire y a été définitivement arrêté. Les intersections où les passages sont surélevés sont prévus en forme trapézoïdale d’une longueur de la partie surélevée variant de 5 m (longueur d’une auto) à 15 m pour venir se marier aux entrées charretières à proximité ainsi qu’aux structures souterraines présentes sur la voie carrossable. La hauteur du décrochement verticale est proposée de 75 à 100 mm. La rampe de raccordement a une longueur de 1,4 m (équivalente à une largeur de la plupart des bandes plantées) et une pente de 5 % à 10 % maximum.
Pôles de mobilité
Des pôles de mobilité ont été intégrés au concept. Le pôle no 1 est celui à l’intersection des rues Guy / William / Ottawa. Il comprend un arrêt d’autobus, une station de taxis, une station de BIXI, des places pour véhicules en libre-service, des bornes de recharge électrique, des supports à vélos et une station de réparation de vélos de type « Biciborne » ou « Cyclohalt ». Le pôle no 2 devrait être intégré à la station du REM. Son équipement est similaire au pôle no 1. Le pôle no 3 est proposé sur la rue Notre-Dame, dans la zone de l’intersection avec la rue De La Montagne. Son équipement devrait être semblable à l’équipement du pôle no 1. Ces pôles de mobilité seront à terme des zones où les citoyens pourront changer facilement et rapidement de mode de transport sans avoir à se déplacer sur des distances importantes.
Conclusion
D’ancien secteur industriel hérité du 19e siècle, le quartier Griffintown est en profond changement. Sa transformation ne fait que commencer mais à terme, avec la restructuration des rues du quartier pour en faire un milieu de vie agréable et sécuritaire, l’implantation des pistes cyclables sécurisées, de lignes d’autobus pour desservir une population grandissante, d’aménagements d’intersections et de rues priorisant une desserte piétonne et cycliste, il est fort à parier que Griffintown pourrait devenir un modèle de cohabitation pour les différents modes de transport à Montréal.
Elle donne enfin à l’espace public un rôle prépondérant d’animation et de stimulation des activités humaines essentiels à la vitalité du quartier, l’inscrivant résolument dans les valeurs du 21e siècle.
Co-auteurs :
Stan Zemka – Responsable volet Transport et mobilité – FNX-INNOV
Guillaume Lefebvre – Responsable volet Infrastructures – FNX-INNOV
Sébastien Legault-Lavallée – Directeur de projet – FNX-INNOV
Fannie Duguay-Lefebvre – Responsable volet Architecture du paysage et Design urbain – Civiliti